Article •  Tim Boucher

L’urgent besoin d’un organisme de surveillance de l’utilisation des IA génératives au Québec : Protéger notre souveraineté digitale

Dans une lettre ouverte aux grands médias québécois, l’auteur et artiste américain Tim Boucher met en garde et alerte de notre ignorance et de notre vulnérabilité face aux puissances de la Tech et de leurs IA. Le besoin d’institutions de régulations et de contrôle se fait plus pressant que jamais.

Tandis que les intelligences artificielles (IA) refaçonnent notre monde, le Québec se trouve à la croisée des chemins. La menace existentielle que l’IA représente ne prend pas la forme de robots terrifiants quadrillant nos rues, mais plutôt le contrôle toujours plus conséquent qu’exercent les multinationales des corporations de la Tech sur nos vies digitales.

Ces compagnies, américaines pour la plupart, déterminent les termes du politiquement correct, influencent l’opinion publique et semblent opérer bien au-delà du pouvoir législatif québécois. Ce contrôle étranger n’est rien d’autre qu’une forme moderne de colonialisme technologique qui sape notre souveraineté et notre autonomie ; Avant qu’il ne soit trop tard pour réparer les dégâts, le gouvernement du Québec se doit de faire face à ce péril en créant de solides groupes de contrôle des IA.

Récemment j’ai été personnellement impliqué dans un incident qui a mis en valeur l’ampleur du problème qui va croissant. En découvrant et en rendant publique une grave brèche de sécurité dans un service IA bien connu et populaire, la compagnie a jugé bon de suspendre mon compte plutôt que de résoudre la difficulté. Cette anecdote démontre clairement que ces géants technologiques protègent leurs intérêts corporatifs avant la sécurité et le bien-être des utilisateurs. Les lanceurs d’alertes comme moi sont sous la menace de représailles tandis que le problème demeure irrésolu. Voilà qui met en relief une triste réalité : sans organisme de surveillance et de contrôle, les Québécois es resteront vulnérables aux caprices d’entités étrangères qui ne rendent aucun compte à personne.

Notre province est devenue dramatiquement dépendante des technologies américaines. Des téléphones intelligents aux réseaux sociaux, des centres de données mis à disposition pour l’entrainement des IA aux maisons connectées, nous avons naïvement laissé la main de nos infrastructures digitales à la Silicon Valley. Cette dépendance excessive va désormais aux technologies IA, contre lesquelles les alternatives québécoises sont parcellaires sinon inexistantes.

Les moyens de régulation et de contrôle, comme la Commission d’accès à l’information, jouent un rôle crucial dans la protection des données au Québec. Leurs mandats sont toutefois trop restreints pour leur permettre d’adresser efficacement le problème polymorphe que posent les IA. Les IA génératives, les systèmes de décision automatisée, l’identification assistée par IA ainsi que les modérateurs de contenu soulève des questions éthiques, légales et sociétales qui exigent une réponse et un contrôle précis et immédiat.

Le Québec a un besoin urgent de voir se constituer un organisme régulateur capable d’intervenir au minimum dans les domaines suivants :

¤ Pouvoir d’audit des systèmes utilisés au Québec.

¤ Imposer la transparence des modèles de prise de décision automatisée affectant les Québécois.

¤ Enquêter sur les problèmes de sécurité et sanctionner le non-respect de nos réglementations.

¤ Préservation de la culture et de la langue du Québec face à l’homogénéisation provoquée par les IA.

Les enjeux ne pourraient pas être plus grands. Alors que s’accroît la médiation des intelligences artificielles, dans notre accès à l’information, la recherche d’emploi, les services financiers et les soins de santé, il est indispensable de s’assurer que ces systèmes s’alignent tant avec les valeurs du Québec qu’avec ses lois. Sans moyens de contrôle sérieux, il se pourrait bien que nous ne devenions qu’une colonie digitale de plus, façonnée par les algorithmes conçus pour servir des intérêts étrangers et économiques.

Enfin, cet organisme de contrôle doit être mandaté et pourvu des moyens nécessaires pour s’impliquer sur le plan international. S’il collabore avec les juridictions conscientes des défis futurs, il pourra faire contrepoids aux superpuissances IA en s’assurant que les plus petites nations et les cultures différentes puissent avoir leur mot à dire quant au développement des IA. Le Québec à une longue histoire de protection de son identité et de ses valeurs face aux pressions extérieures. L’ère de l’IA fait glisser cette lutte dans le monde digital. En bâtissant un puissant outil de contrôle des IA, nous pouvons reconquérir notre souveraineté digitale, protéger notre mode de vie et certifier que la révolution des intelligences artificielles se met bien au service de tous les Québécois.


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