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AIgiarism

Voilà un néologisme doublé d’un anglicisme. Ce mot va décrire la prétention qu’une production assistée par une intelligence artificielle est nôtre. C’est autre chose que du plagiat en raison de la nature non-humaine du médium de production primaire. Ce mot peut décrire une action donc, en français pour le moment, il est possible de le conjuguer. En anglais le terme plagiarism est un nom. C’est une pratique. Je ne crois pas que l’on puisse dire « I’m plagiing dear ! » Shocking. Plagier est pourtant bien un verbe transitif du premier groupe en francophonie. Je plagie, tu plagies, ielon plagie etc. Les linguistes, j’imagine, sauraient mettre les termes idoines et savants sur ces différences.

Est-ce que AIgiarism deviendra, lui aussi, un verbe transitif du premier groupe ? J’AIgiarie, tu AIgiaries, elle AIgiarie. Avec le « I » cap on est limite one two three viva l’Algérie ! Non il y a un truc qui colle pas. Nous y sommes cependant. Les cas vont apparaître les uns après les autres. Les tribunaux vont légiférer, tôt ou tard, et des jurisprudences apparaîtront. Quel sera le délit ? Les Chaldéens croyaient que, tant qu’une chose n’a pas reçu son nom, elle n’a pas d’existence. Avoir une appellation, une orthographe, c’est être.

Est-ce que nécessairement il faut conserver un reliquat de l’ancienne langue ? Postuler que le langage se fonde sur la passé et s’agrège aux vieilles formes élimées n’est pas un passage obligé. C’est l’usage non-nécessaire. La langue est un oignon jusqu’à ce que l’on en fasse une arme.

J’ai demandé à ChatGPT : « S’il-te-plaît produis un néologisme décrivant l’action de s’octroyer la production d’une IA. Du plagiat d’intelligence artificielle. »

Voilà ses deux dites productions les plus pertinentes : IAgiarisme (inspiré de « plagi(a)risme » et « IA ») IApropriation (jeu de mots avec « IA » et « appropriation »). Ça laisse pensif.

Si il y a un problème avec ces tournures naissantes et ces mots mal formés, c’est un problème phonétique. La phonétique est l’orthographe organique, humaine, elle est la représentation visuelle de ce qui est vocalisé.
Le Centre national de ressources textuelles et linguistiques donne ces définitions : « Qui représente graphiquement les sons d’une ou de plusieurs langues, indépendamment de l’orthographe » et aussi « Orthographe qui transcrit la prononciation de manière univoque. » Sans parler de la théorie des matrices et des étymons, il a là quelque chose, je crois, d’essentiel pour répondre à la question : pourquoi les doublements de voyelle dans les mots qui seront composés avec le préfixe IA seront-ils bof-bof ?

La voyelle « i » ([i] dans l’alphabet phonétique international) est une voyelle fermée antérieure non arrondie c’est-à-dire que la langue est positionnée aussi proche que possible du palais tandis que la voyelle « a » ([a] dans l’alphabet phonétique international) est une voyelle ouverte antérieure non arrondie et donc que la langue est positionnée aussi loin que possible du palais.

Naturellement notre muscle masséter va faire le travail; si vous tentez l’expérience d’articuler proprement [i] puis [a][i][a], vous pourrez sentir votre langue se coller au palais pour dire [i] puis la bouche s’ouvrant, la langue s’éloigne du palais et enfin il est possible de pouvoir prononcer un [a] digne de cette graphie. Et alors, n’est-ce là rien ?

Cela fait certes un peu penser au Bourgeois gentilhomme et à sa leçon avec le Maître de philosophie, et tel Monsieur Jourdain dites : « J’entends tout cela ». Excellent mais tout cela pose des questions phonétiques, orthographiques et typographiques. Et pas des moindres. Comment allons-nous y répondre ?

Plus besoin de parler sous l’ère de l’image qui s’ouvre ; des images sur lesquelles l’ombre du deepfake plane. Il est possible cependant que deepfake soit l’ombre de l’image hyperreal générée par notre ère numérique. Exode 20:4.