Le remplacement terrifie. En grec ancien le mot remplacement pourrait être rendu par μετάστασις, métastase, c’est-à-dire « autre position » ou déplacement. Flippant.
Les actualités sont nourries de cette logorrhée anxiogène : le remplacement des humains, des travailleurs par les IA devenues modèle de traitement du langage en performances ascensionnelles. Quand on réfléchit au devenir des manouvriers agricoles des pays occidentaux du XIXe siècle puis des premières générations suivantes, c’est vrai que la promesse prophétique de Jacques Ellul dans The Technological Society semble arrivée au stade 3.
Devenir obsolète, une idée redoutable surtout dans ce monde brisé et peuplé.
Fin février dernier, j’écoutais un podcast (Le code a changé : La typographie, ce qu’on voit, ce qu’on ne voit pas – 21 février 2023) dans lequel Xavier de La Porte ouvre par sa recherche une perspective intéressante.
En interviewant Nicolas Taffin sur son livre Typothérapie, ce dernier suggère que pour trouver sa place face aux superpuissances numériques il faut regarder aux sources mêmes, à leur matrice binaire fonctionnelle.
Il propose de voir notre place, non dans le contenu, sur lequel les modèles de traitement du langage sont entrainés mais plutôt dans la marge, l’interlignage, le blanc polysémique et silencieux c’est-à-dire dans la moitié en creux produite par le signal, le non-signal (écoutez le podcast).
Il y a quelque chose ici qui appartient au champ lexical monastique. La marge, les lignes, le blanc, le silence. Tout ce qu’il faut pour bien dormir.
Ce postulat est très intéressant. Il me rappelle les paroles de Jésus : « Je suis le Seigneur du repos. » Je vois là une sorte de convergence, un delta vers l’océan de la solution face à Grosse Data (Baba data). Celui du non-clivage, de la non-intrusion, d’une forme de quiétude résignée et confiante. Jamais rien ni personne n’atteindra l’absolu et le tout. Il y a toujours des interstices par lesquels croissent les plantes sur les murs.
Est-ce que dans le futur, l’humanité se retrouvera dans le silence et l’erreur ? Dans la vulnérabilité.