« Air Canada se plie à la Charte de la langue française », « Le Canadien National se conformera à la loi 96 sur le français », titraient quelques grands médias canadiens en mars 2023. Ce n’est pas au pays de Montesquieu, de Victor Hugo et de tant d’autres que les nouvelles d’un français conquérant font les grands titres de la presse.
En Amérique, la langue que nous apprenons à typographier, à orthographier (et à aimer), la matière brute de notre ouvrage et de notre labeur est un enjeu politique, économique et culturel. La langue comme matière première, sujette à enjeux, est une belle idée, une élégante manière de voir. Nous qui vivons en France, ne nous inquiétons guère de la disparition de notre koinè. Bien souvent nous pestons contre les anglicismes ou à propos du point médian ou encore sur la féminisation des mots, mais en mondains seulement, en discuteurs de salons, tranquillement, avec le luxe du parti-pris. Il n’en est pas de même au Canada (et pas seulement au Québec), où la francophonie y trouve une de ses lignes de bataille.
Ce dynamisme de la langue française, propre à la francophonie, fait la part belle au métier éponyme de lecteur-correcteur et à parité (sans vérification) de lectrice-correctrice. Au Québec, on ne parle pas de lecteur·rice-correcteur·rice mais de réviseur·e. Avec 4 000 réviseurs·es recensés en 2020 et une politique d’immigration et de recrutement très dynamique, il est raisonnable d’envisager une augmentation des besoins dans les années à venir, d’autant que le Québec défend sa francophonie et que le parler français est une exigence pour obtenir un droit de résidence permanente donc, feu vert ! Selon le gouvernement fédéral, les perspectives d’emploi, entre 2021 et 2025, pour les réviseurs·es sont bonnes (sur un barème de trois qualités de perspectives : mauvaises, bonnes et excellentes).
Des perspectives d’emploi
Le Québec connaît une pénurie de main-d’œuvre. Un million et demi d’emplois sont à pourvoir d’ici 2030 (pour 8,7 millions d’habitants). Le taux de chômage est historiquement bas (4,4 % en septembre 2022) et 6,4 % des postes sont vacants en mai 2022. Le gouvernement fédéral canadien est encore plus optimiste que celui du Québec quant aux perspectives d’emploi pour la profession de réviseur·e. Les traducteurs·trices, terminologues et interprètes ont également de belles perspectives de travail ; pour ceux qui souhaiteraient allier les deux langues et les deux activités, la voie est libre.
Une profession non réglementée
A contrario des professions de traducteurs et interprètes, le métier de réviseur.e n’est pas réglementé au Canada, dans aucune des treize provinces et territoires, comme c’est d’ailleurs le cas en France. Il est cependant possible d’être évalué par une commission de professionnels qui donne son évaluation dans le cadre du Programme des travailleurs fédéraux qualifiés (PTFQ) permettant parfois une entrée express dans le pays (sous réserve d’avoir un employeur et un contrat de travail). Toutes les informations nécessaires à ce métier sont dispensées par le Centre d’information canadien des diplômes internationaux (Cicdi).
L’ordre des Réviseurs du Canada
Il est possible de s’inscrire sur une base volontaire auprès de l’ordre des Réviseurs du Canada. Cet organisme, une association à but non lucratif, « fait la promotion de la révision professionnelle comme un outil essentiel à une communication efficace ». Les droits d’admission pour y adhérer sont de 304 $ par an et le droit d’accès au répertoire électronique des réviseurs (REP) s’élève à 80 $. Cependant il n’est pas nécessaire d’être membre pour exercer. En 2014, l’association a établi une charte sur les principes directeurs et de ce qui est attendu des réviseurs.es et secrétaires de rédaction. Ces principes sont très proches de ceux de la formation de l’EMI.
L’Office québécois de la langue française (OQLF)
Le sous-titre aurait pu être l’OQLF et la Charte parce que l’un ne va pas sans l’autre en vérité. Extrait.
« LA CHARTE DE LA LANGUE FRANÇAISE A ÉTÉ ADOPTÉE PAR L’ASSEMBLÉE NATIONALE DU QUÉBEC EN 1977. LE 1ER JUIN 2022, LA LOI SUR LA LANGUE OFFICIELLE ET COMMUNE DU QUÉBEC, LE FRANÇAIS, QUI ENTRAÎNE UNE RÉFORME MAJEURE DE LA CHARTE, A ÉTÉ SANCTIONNÉE. L’OFFICE QUÉBÉCOIS DE LA LANGUE FRANÇAISE, INSTITUÉ PAR LA CHARTE, A POUR MISSION :
- D’ASSURER LE RESPECT DE LA CHARTE ;
- DE VEILLER À CE QUE LE FRANÇAIS SOIT LA LANGUE NORMALE ET HABITUELLE DU TRAVAIL, DES COMMUNICATIONS, DU COMMERCE ET DES AFFAIRES DANS LES ENTREPRISES. »
Oui c’est quelque chose de voir la législation sur des choses tellement évidentes pour nous autres, mais la conséquence de cela, pour les réviseurs·es, c’est la perspective de travail dû à la vivacité de la langue. Allez voir le site de l’Association des réviseurs du Canada ou encore la Vitrine linguistique de l’Office québécois de la langue française et vous y trouverez ce qu’on appelle une « langue vivante ».